Archéologie du feuAvant-proposSur le plan de l'histoire du feu, deux notions fondamentales sont à distinguer :
Les traces d'utilisation du feu par l'homme sont nettement plus anciennes que les traces d'allumage. Si l'homme utilise le feu depuis plusieurs centaines de milliers d'années, voire depuis 1,5 million d'années, on ne sait toujours pas à l'heure actuelle s'il était capable de l'allumer et encore moins comment il l'allumait. Les traces de première utilisation remontent à -1,5 million d'années. Les traces d'utilisation régulière et structurée remontent de façon certaine à -400.000 ans et l'utilisation systématique du feu à -200.000 ans.
La trace la plus ancienne d'une technique d'allumage remonte au début du Paléolithique supérieur (-35.000 ans).
Les plus anciennes traces d'utilisation du feuOn ne sait pas si l'homme allumait le feu ou s'il le récupérait dans son environnement. Peut-être le conservait et le déplaçait-il avec lui mais aucune preuve ne peut étayer ces faits. Il s'agit d'extrapolations établies à partir d'études ethnographiques de peuplades primitives actuelles ou récentes.
Les feux naturelsDans les premiers temps, l'homme a pu se procurer du feu par les moyens suivants :
-1.500.000 ans... Premières traces...
Les premières traces ont été mises à jour en Afrique du Sud, sur le site de Swartkrans. Il s'agit d'une grotte de la province du Gauteng dans laquelle 270 ossements brûlés ont été découverts. Ces ossements, portant des traces de découpe, ont été brûlés à de hautes températures (400 à 500 °C) qui excluent donc un incendie mais confirment un foyer entretenu : il s'agit donc d'un feu anthropique (résultant d'une action humaine). L'homme apprivoise le feu, commence à l'utiliser mais on ne peut en dire plus : il n'y a ni charbons ni foyers aménagés. La partie du site concernant le feu est occupée par Homo ergaster et Homo habilis.
Entre -1.800.000 et -1.200.000 ans... D'autres traces...Dans des sites situés au Kenya (Koobi Fora, Chesowanja), en Tanzanie (Oldoway), on a trouvé des sédiments et des limons rubéfiés, des pierres brûlées, quelques charbons de bois...
En Afrique du Sud (Swartkrans) et en Ethiopie (Gadeb), des ossements brûlés ont été mis au jour.
-1.000.000 d'année : la grotte de Wonderwerk en Afrique du Sud
Dans la grotte de Wonderwerk, située dans la province de Northern Cape en Afrique du Sud, on a trouvé de la cendre d'herbe et de feuilles, ainsi que des fragments d'os brûlés à une profondeur de 30 mètres.
Cette profondeur correspond à une zone datée d'environ un million d'années : c'est la première utilisation du feu attestée avec certitude dans la préhistoire. Le site est couvert, excluant donc l'action de la foudre. L'auto-combustion de guano a également été écartée.
- 800.000 ans : le site de Cueva Negra en Espagne
Le site a révélé une centaine d'objets en pierre et plus de 2.000 fragments d’os d’animaux qui ont été chauffés ou carbonisés entre 400 et 600 °C, une température indiquant donc un foyer entretenu. La couche stratigraphique est datée de -800 000 ans. Il s'agirait donc du plus ancien site européen.
- 790.000 ans : le site de Gesher Benot Ya'aqovCe site a révélé des graines, des charbons de bois et des silex brûlés. La témpérature lie incontestablement ces combustions à des feux anthropiques. De plus, la quantité importante, la répétition et la répartition de ces éléments sur 13 niveaux archéologiques laissent supposer que l'homme maîtrisait le feu et plus que probablement son allumage.
- 400.000 : premiers feux aménagés
Dans plusieurs sites européens, on a découvert des preuves incontestables de foyers aménagés et entretenus. Il s'agit des sites de :
Sur ces sites, on tretrouve des ossements brûlés, plusieurs foyers concentrés, des aménagements comme des fosses bordées de murets ou de bourrelets en terre ou encore de pierres entourant les feux. Parfois des charbons de bois.. Le tout présentant des traces de hautes températures. Citons encore hors Europe le site de Choukoutien en Chine.
-300.000 ans: le feu chez Homo naledi !En septembre 2015, le paléontologue Lee Berger a mis au jour une nouvelle d'espèce d'hominidés dans la grotte "Rising Star" située à environ 50 km au nord-ouest de Johannesburg en Afrique du Sud.
Plus de 1.500 ossements issus de 15 individus ont déjà été découverts tout au fond de la grotte, au bas d'un puit très difficile d'accès. Baptisé "Homo naledi", ses caractéristiques anatomiques (très proches d'un australopithèque : 1 m 50, 40 kg...) le faisait remonter entre 1 et 3 millions d'années mais sa datation a été confirmée en 2017 : entre 236.000 et 335.000 ans. Lee Berger et son équipe pensent que les corps ont été transportés là par leurs contemporains, à la lueur de torches. Il s'agirait là d'une forme d’inhumation. Il faut savoir que cette pratique n'est avérée à ce jour que pour Homo sapiens et, dans des cas discutés, pour Homo neanderthalensis. C'est toutefois la première trace d'utilisation du feu et de la lumière par une autre espèce qu'Homo erectus, neanderthalensis et sapiens.
-380.000 à -200.000 ans: le feu se généralise partoutVers - 200.000 ans, le feu est généralisé dans tous les sites préhistoriques, attestant de sa maîtrise et de son utilisation en Eurasie comme en Afrique. Il n'est plus l'apanage d'Homo erectus et naledi : Homo neanderthalensis et Homo sapiens l'utilisent également !
Les plus anciennes traces d'allumage du feuIl est impossible de déterminer quelle est la technique d'allumage la plus ancienne : en effet, les éléments concernés ne se conservent pas dans le temps. Tout ce qu'il est possible de faire à l'heure actuelle, c'est de dater les traces, sans préjuger de chronologie entre les techniques.
A savoir : allumer un feu se fait toujours en 2 étapesAvec les méthodes ancestrales, un feu s'allume toujours en deux étapes.
Frapper 2 silex pour allumer un feu : impossibilité scientifique.Fortement implanté dans la mémoire collective, la technique consistant à frapper deux silex pour allumer un feu n'a jamais existé car elle est impossible. En effet, les étincelles produites par deux silex sont certes lumineuses, mais froides et incapables d'allumer un initiateur de braise.
-35.000 ans et - 13.000 ans : la percussion
La technique la plus ancienne clairement identifiée est le briquet à percussion composé de marcassite et de silex. La marcassite est un minéral composé de sulfure de fer. En le frappant avec une roche plus dure, comme le silex par exemple, on arrache des étincelles qui permettent d'enflammer un initiateur de braise. C'est dans la grotte de Vogelherd en Bavière que l'on a trouvé le plus ancien nodule de marcassite, datant de l'Aurignacien (-35.000 ans). Il comporte une rainure attestant de son utilisation. Un second nodule de marcassite a été découvert au Trou de Chaleux en Belgique. Il remonte à 13.000 ans et montre lui aussi une nette marque d'usure. Otzi, l'homme du Chalcolithique (-4.500 ans) portait sur lui un nécessaire à feu comportant de la marcassite et du silex. La marcassite produit des étincelles susceptibles d'allumer une braise. On ne connaît pas les matières utilisées au Paléolithique. Otzi, cité ci-avant, portait de l'amadou (morceau d'amadouvier) dans son nécessaire à feu : l'amadou est un champignon qui s'avère réactif aux étincelles de marcassite. N.B. : la marcassite s'oxyde à l'air et se désagrège très vite. Celle du Trou de Chaleux est conservée dans du pétrole.
- 12.000 ans : la friction
La seconde technique identifiée est la friction d'un bâton sur une planchette. En faisant tourner un bâton sur une planchette, on produit une braise permettant d'allumer un initiateur de flammes. Les plus anciens "briquets à friction" tels qu'on les appelle datent d'il y a -12.000 ans et ont été découverts dans la Grotte de Guitarerro au Pérou. On en a retrouvé une illustration dans une tombe égyptienne (Beni-Hasan, tombe III, - 1.900 av. JC) et un exemplaire dans la tombe de Toutânkhamaon (-1.340 av JC) avec une pointe de foret amovible. Composés de bois, ces briquets ne perdurent pas dans le temps. Leur utilisation est peut-être très ancienne et peut-être antérieure à la percussion...
De l'âge du fer au XIXème siècle...
La découverte et la maîtrise du fer a donné naissance aux briquets en acier que l'on retrouve dans toute l'Europe depuis l'époque romaine. Ces briquets remplaçaient la marcassite. Frappés sur des silex, ils servaient à allumer une braise, braise qui servait ensuite à allumer des "allumettes" souffrées (il ne s'agit pas des allumettes modernes !). A défaut d'allumettes, on utilisait aussi du charbon de tissu (du tissu incomplètement brûlé). Cette technique a perduré jusqu'au début de XXème siècle. L'allumage du feu à la friction perdura aussi en Europe mais pour les feux à caractère sacré (feux de la Saint-Jean). La friction est restée répandue dans le reste du monde.
Quelques réflexions quant à la chronologieQui, de la percussion ou de la friction est la plus ancienne ? En ce qui concerne la percussion, l'homme taille la pierre depuis 3,3 millions d'années... On peut imaginer sa surprise en découvrant d'abord le poids élevé d'un nodule de marcassite, ensuite les étincelles produites par ce dernier quand on essaie de le tailler. Mais étincelle ne veut pas dire feu, loin s'en faut. Il faut encore pouvoir allumer une braise. Le meilleur initiateur pour cela est l'amadouvier, un champignon qu'il faut récolter frais, dont l'enveloppe est très dure (il faut casser le carpophore avec une pierre) et dont seule une petite partie interne est susceptible de capturer une étincelle. L'opération demande des gestes précis et délicats. Pour la friction, on peut imaginer nos ancêtres essayant de percer une pièce de bois avec un bâton... Si on tourne assez vite et assez longtemps, on obtient de la fumée... Mais rien de plus ! Pour pouvoir allumer un feu, il faut tailler une encoche au point de friction pour récupérer la sciure produite par la rotation.. et accélérer la rotation à un moment donnée rpour allumer une braise dans la sciure. Là aussi, cela demande précision et délicatesse. Ces deux techniques remontent, peut-être, très loin dans le temps... Impossible de déterminer laquelle est la plus ancienne.
D'autres techniques ?D'autres techniques de production du feu ont été identifiées par les ethnologues. Ces techniques ne laissent pas de traces durables dans le temps mais peut-être remontent-elles aussi très loin... Citons à titre documentaire :
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